

Y'a deux œuvres dans Disco Elysium. Y'a le jeu, y'a le bouquin. Le bouquin est ma foi fort bien écrit, peinturluré d'un argot délectable, souvent touchant et sensible. On est pas loin des drames humains qu'on trouve dans un Balzac ou dans un Dostoïevski, avec ces personnages candides et ces autres abimés qu'on retrouves aux prises avec un monde froid dirigé par des monstres d'immoralité et d'ambition. Enfin... y'a ça... et y'a aussi tout un pan de réponse que l'on peut donner qu'à surtout un arrière gout de fin de soirée avec les copains border. C'est l'arrière gout des traces de C qui trainent sur la table entre les mégots écrasés, sniffé à l'aide d'une paille trouvé au hasard par terre au lendemain du deuxième jour de cuite. C'est le parfum délicat de l'after improbable entouré de parfaits inconnus, à écraser des extas pour se les mettre directement dans le nez avant d'aller se baigner dans la piscine du voisin que personne ne connait. Ou encore cet arôme de scène incongru, quand un copain se fait jeter du bordel après avoir refusé de payer parcequ'il s'est endormi mort saoul en pleine turlute. Rien que pour ça, rien pour sa capacité à cerner les abimes d'autodestruction qu'on atteint après un certain cran passé dans le "Je m'en foutisme", le texte mérite la lecture. J'ai cherché dans ma tête des références littéraires qui collerait à ça, mais j'ai pas trouvé. Ça serait la vie de Kerouack digéré par le cynisme de Gary. Ou Bukowski qu'aurait renoncé à sa carrière d'écrivain pour se lancer dans la police. J'ai lu S.Thompson quelque part dans les critiques et c'est vrai qu'on y est aussi. Enfin, d'un point de vu texte, c'est très solide. Ça peut pas être un classique de la littérature, étant donné que c'est un jeu, mais c'est dans le top du panier de l'industrie, et ça a son style propre. D'un point de vu jeu, y'a du génie, et des trucs franchement pétés. Le format du texte rend à la fois le medium indispensable, et ne lui rend pas toujours hommage.